Une sonnerie lointaine retentit.
Nathaniel regardait son verre où quelques glaçons tournoyaient. Une grêle de remord lui martelait le crâne, ou alors était-ce les effets du verre qu'il était entrain de boire. La pièce où il se trouvait était sombre, peu éclairé et sentait le renfermé. Les secondes duraient des heures et la lassitude l'envahissait. Ne voyant aucune autre issue, l'alcool ne chassant pas ses idées noirs, il mûrissait sa décision de les rejoindre, bientôt il irait les retrouver.
La sonnerie retentit de nouveau, plus insistante.
D'un geste lent il bu une gorgé, reposa sa main sur l'accoudoir et soupira. Il ne voulait voir personne, et surtout pas ces enquiquineurs du bureau. Voilà des semaines qu'on lui commandait de répondre au téléphone et de se présenter au siège, de reprendre le travail. Nathaniel se dirigea vers la porte d'entrée, prêt à faire demi-tour à tout instant. Alors qu'il s'approchait, on frappa sur la porte brutalement.
- « Nathaniel ? Tu es là ? Ouvre ! » somma une voix.
La main sur la clenche, hésitant, Nathaniel se tenait silencieux. Il n'avait pas remarqué qu'il faisait jour et lorsqu'il ouvrit finalement la porte, la lumière l'aveugla.
- « Ah ! Nathaniel… Enfin ! »- « Si.. Simon ?! J..Je.. » balbutia Nathaniel.
- « Mais… tu empestes l'alcool ma parole !? » le coupa Simon. Sur ces mots il entra, obligeant Nathaniel à s'écarter pour le laisser passer. Ne parvenant pas à mettre de l'ordre dans ses idées il resta planté devant l'entrée, la porte grande ouverte.
- « Voilà des jours que j'essaye de te joindre. Pourquoi ne réponds-tu pas à mes appels ? » demanda Simon. Il regardait Nathaniel mais celui-ci baissa la tête, honteux.
- « Vu ton état je comprends mieux maintenant. »- « Qu'est-ce… qu'est-ce que tu me veux ? » demanda Nathaniel en regardant ses chaussures.
- « Tu as disparu depuis deux mois, tu ne m'a même pas appelé. »- « Simon... » articula-t-il difficilement. Il ne put se résoudre à regarder son ami.
- « Ce n'est pas leur faire honneur que de te morfondre ici. »- « J'aurai dû… Si j'avais… Tu sais très bien que... »- « Que tu n'as rien fait de mal ! Ce.. Ce n'est pas de ta faute Nathaniel. »- « Simon, j'ai… J'ai relâché Aldini. » avoua-t-il.
Simon s’approcha de son ami. Aldini était le dernier Roucool de l'élevage de son grand-père. Nathaniel l'avait élevé depuis sa naissance.
- « Il représentait trop de souvenirs, notre rencontre avec Linda, la naissance de… » bredouilla Nathaniel en relevant la tête.
Nathaniel se remémorait le passé mais fut tiré de ses réflexions par une main qui se posait doucement sur son épaule.
- « Je sais que les adieux sont difficiles. Mais tu dois le faire, même si tu a le cœur déchiré. »***
Sous un ciel couvert, Nathaniel marchait dans les rues de Doublonville, une valise à la main. Une journée de plus qui se finissait tard, la nuit n'allait pas tarder à tomber. Il se dirigeait vers la sortie de la ville, au sud. Son travail lui prenait de plus en plus de temps ces derniers jours, peut être aurait-il dû refuser ce nouveau poste de « responsable pédagogique » à la cellule préparatoire des concours de dressage.
- « Papa ! »
Une fillette avait accouru dans l'entrée lui laissant à peine le temps de refermer la porte derrière lui. Surpris, il l’accueilli dans ses bras.
- « Maman ne voulait pas que j'attende ton retour. » râla la fillette dans les bras de son père.
- « Judith ? » appela une voix dans une autre pièce.
- « Tu t'es encore caché pour échapper à ta mère petit sucre ? » se moqua Nathaniel en se dirigeant vers le salon.
- « Chéri ! Tu es rentré ! - Et je vois que tu as retrouvé notre fille. » s'amusa Linda un sourire aux lèvres. Gardant Judith dans ses bras, Nathaniel embrassa tendrement son épouse.***
D'un pas résigné, Nathaniel progressait le long du chemin recouvert de feuilles. L'automne était bien avancé et les arbres avaient perdu leur manteau vert depuis longtemps. Simon le suivait de près, surveillant ses gestes. Ensemble, il parvinrent devant un petit par-terre de fleur. Nathaniel se baissa et tendit une main tremblante vers la pierre qui y était dressé. Il l’effleura du bout des doigts.
« Linda Letterford ~ 1988 / 2017
Judith Letterford ~ 2013 / 2017 »
Les mots se nouaient dans sa gorge. Le chagrin le submergea, les larmes montèrent dans ses yeux embrumés.
- « Je vous aimais tellement… Mes amours... Ma petite fille... » sanglota Nathaniel.
« J’étais présent dès le jour de ta naissance. J’essuyais tes larmes quand tu pleurais, j’étais heureux quand j’entendais ton rire. En partant maintenant, j’ai l’impression que je vous abandonne… » Ne sachant que dire devant le chagrin de son ami, Simon restait silencieux. Lui-même retenait ses larmes devant la tombe de sa sœur et de sa nièce.
***
Quelques jours plus tard, chez Nathaniel, les deux amis étaient réuni dans le séjour.
- « Ne dit pas n’importe quoi ! Tu es un excellent éleveur. Il te faut juste essayer de nouveau. Et lâche cette bouteille ! » asséna Simon devant un Nathaniel effondré.
- « Tu sais très bien que je ne peux pas reprendre le travail… Pas après ce qui s’est passé… Et… J.. Je ne suis même plus sûr de pouvoir enseigner… » rétorqua Nathaniel. Cela faisait des mois que ce dernier n’avait pas envisagé la reprise d’une activité. Simon insistait mais ne savait plus très bien comment le motiver.
- « J’ai… J’ai peut être quelque chose pour toi. C’est différent de tout ce que tu as déjà fait jusqu’à maintenant mais… Peut être… que ça t’aidera à enseigner de nouveau... » hésita Simon. Nathaniel, intrigué, haussa un sourcil.
« Tu sais bien que la plupart des jeunes suivent un cursus académique. Mais certains choisissent une autre voie de formation : la formation itinérante. De jeunes dresseurs partent sur les routes à la découverte de la région et… certains ont besoin… d’un peu d’aide. J’ai… J’ai pris contact avec la préfecture de Kanto. Ils cherchent des éleveurs compétents et peut être que tu.. tu pourrais candidater.» annonça Simon. Le regard triste, Nathaniel hésitait. Il n’avait encore jamais quitté Johto.
- « Je… Je n’ai même plus de pokemon…»- « Je sais. J’ai toute les informations qu'il te faut ici.» signifia Simon en lui tendant une enveloppe cacheté.
« La décision finale t’appartient.»Nathaniel se saisit de la lettre et la regarda longuement. Perdus dans ses pensées, il ne parvenait pas à prendre une décision, tourmenté à l'idée de quitter ce lieu où il avait vécu la naissance et la disparition de sa famille.