Les lumières de la ville s’allumèrent pour dissiper les ténèbres grandissantes de la nuit. Esseulé, Lance continua à vagabonder à travers la bourgade, les yeux rivés au sol. Il n’avait plus qu’une seule envie : mettre un terme à cette fastidieuse journée. Il finit donc par prendre la direction du Centre Pokémon et rappela son Pokémon avant d’y entrer, puis demanda une chambre à l’attentionnée Infirmière Joëlle qui y officiait. Il récupéra la clef qu’elle lui tendit et s’empressa de se diriger vers son gîte pour la nuit.
Il entra dans sa chambre et ferma à double tour derrière lui, puis se débarrassa rapidement de ses affaires et prit place dans l’unique lit de la pièce. Le regard vissé au plafond, il fit de son mieux pour vider son être de toute pensée susceptible de le perturber ; un exercice dans lequel il excellait habituellement, mais qu’il peinait à réaliser depuis… depuis…
Un bruit assourdissant retentit soudain et le fit légèrement sursauter, semblable au bourdonnement d’un Dardargnan. Il tourna aussitôt la tête vers la table de chevet et aperçut son Pokématos glisser au fil des vibrations qu’il émettait. Sans même y réfléchir à deux fois, Lance se leva en trombe et se précipita sur l’appareil, puis l’alluma afin de consulter le dernier message qu’il venait de recevoir. Ce ne pouvait être qu’elle, ne cessa-t-il de se répéter alors qu’il naviguait dans l’interface de son téléphone.
En effet, c’était bien elle. Lance se hâta de dévorer les maigres lignes rédigées par Bonnie, qu’il relut à plusieurs reprises. Ses mots se voulaient rassurants, mais ils ne parvinrent qu’à agiter de plus belle le Dresseur qui se mit à faire les cent pas dans la pièce. Tout ce qu’il tirait de son message était qu’elle n’avait toujours pas quitté les lieux, et elle se contentait de l’informer de la manière la plus banale possible, comme s’il s’agissait d’un simple détail.
La fureur que Lance avait essayé de contenir tout au long de la journée refit de nouveau surface. Il la sentait bouillonner en lui comme un poison, prête à exploser d’un moment à l’autre. Le Dresseur serra les dents à s’en exploser la mâchoire et se retint de ne pas mettre en pièces le moindre recoin de sa chambre pour apaiser sa furie. Il tapota doucement son Pokématos contre son crâne dans une tentative de se calmer, puis se laissa retomber sur son lit d’un air rebuté. Instinctivement, il mordit sa main de toutes ses forces pour ne pas être tenté de hurler, provoquant l’afflux d’un abondant filet de sang.
À vrai dire, lui-même ne connaissait pas les raisons exactes de son état actuel. Était-ce à cause de la stupidité de l’Exploratrice ? Ou bien parce qu’il savait qu’il aurait été capable de la mettre en sûreté s’il refusait de la laisser se débrouiller seule ? Ou encore, car il ne comprenait pas pourquoi il pouvait bien se préoccuper autant de son sort ?
Quelle humiliation… il ne s’était jamais senti aussi inutile de toute sa vie.
Lance rumina sa colère une bonne partie de la soirée, et peina à fermer l’œil de toute la nuit. Toutefois, lorsqu’il y parvint enfin après de longues heures d'acharnement, il sombra au cœur d’une salle à moitié plongée dans la pénombre, éclairée par un unique luminaire suspendu au plafond. Juste en-dessous, une silhouette était ligotée sur une chaise en bois, et ne donnait pas le moindre signe de vie. Lance s’approcha lentement, maniant habilement la lame qu’il tenait entre les doigts. La silhouette remua alors légèrement, faisant onduler son épaisse chevelure blonde décoiffée. Elle releva finalement la tête, présentant un visage marqué par de nombreuses balafres ensanglantées. Ses yeux s’écarquillèrent d’horreur en apercevant son bourreau qui se tenait devant elle. Mais Lance se contenta simplement de s’esclaffer et brandit sa lame en l’air, prêt à frapper…
• • •Le jeune homme se réveilla en sursaut, au bord de l’étouffement, et prit immédiatement une grande bouffée d’air dans un bruit de suffocation. Le corps ruisselant de sueur, il se redressa en position assise et enfouit son visage dans ses mains moites et tremblantes. Il n’avait pas souvenir d’un rêve aussi perturbant que celui-ci depuis bien longtemps ; il ne put d’ailleurs s’empêcher de jeter un œil alerte autour de lui pour s’assurer que ce qu’il venait de voir n’était pas réel.
Armé d’une boule au ventre, il se débarrassa du drap qui collait à son torse et se leva, légèrement désorienté, puis s’engouffra sous la douche où il passa une bonne demi-heure à se persuader que le jet d’eau qui le submergeait laverait son esprit des images aperçues dans son rêve. Que pouvait-il bien lui arriver, ces derniers temps ? Il n’était pourtant pas du genre à se morfondre de la sorte, encore moins lorsqu’il s’agissait d’autrui…
Lorsqu’il sortit enfin, il se rhabilla lentement sans un mot et quitta la pièce, puis déposa la clef au comptoir désert à une heure aussi matinale avant de s’en aller. Une fois dehors, il ne s’attarda pas pour apprécier le silence apaisant de la ville qui se réveillait petit à petit, et ne perdit pas de temps pour appeler Dracaufeu et monter sur son dos, qui s’envola sans plus attendre.
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