Je cours. Je ne sais pas depuis combien de temps ni même où je vais, tout ce que je sais est que je cours, aussi vite que je le peux droit devant moi.
Je ressens le vent glacé sur mon visage, piquant chaque parcelles de ma peau nue. Il s'engouffre dans ma gorge jusqu'à mes poumons. Je tousse fortement, mais je continue malgré tout à courir. Je distingue à peine ce qu'il se trouve devant moi, je tends ma main droite et la vois disparaître dans l'obscurité. Je ralentis alors subitement ma course et lève la tête vers le haut, ou ce qui me semble être le haut.
Je me retrouve alors face à quelque chose de gigantesque à couper le souffle, je ne peux apercevoir le sommet tellement il était haut. Un premier vertige s'empare de moi, je baisse les yeux et recule de quelques mètres. Mes jambes tremblent sous mon corps, impossible de les arrêter.
Qu'est-ce qui m'arrive ?
Je relève une nouvelle fois la tête, les yeux fermés pourtant, poussé par la curiosité qui m'amine. Ce sentiment qui peut me faire perdre les moyens, battre mon coeur à une vive allure et me pétrifier sur place. J'ouvre les yeux, la chose me domine par sa hauteur impressionnante. Une dizaine de mètres, voire même centaines, ma vision se brouille et avant même de le réaliser, mes jambes s'écroulent sous mon poids et ma tête heurte violemment le sol glacé et dur.
Lamentablement étalé sur le dos, je tiens mes deux mains sur mon coeur tentant désespérément de me calmer, mon corps tremble comme une feuille. Des larmes me montent aux yeux, sous l'effet de la douleur... Non. Je sanglote de peur. Je me recroqueville sur moi-même, les genoux remontés contre mon torse en position foetale. Mes larmes ruissèlent le long de mes joues, pendant de longues minutes je n'entends que ma respiration, courte et saccadée. Immobile, mon corps ne bouge seulement de mes soubresauts à répétition.
Lentement, je déroule mon corps et tente de me relever. Tout d'abord sur les coudes jusqu'à me retrouver en position assise, le regard rivé sur le sol. Rien que l'idée de redresser ma tête me terrorise. Je l'agrippe d'une poigne forte, ma douleur au crâne vient de refaire surface accompagnée d'une désagréable nausée. J'avale difficilement ma salive et parvient à me tenir debout tant bien que mal. Je redresse mes épaules mais ma tête reste penchée vers le bas et mes yeux demeurent mis-clos. J'avance à tâtons jusqu'à toucher cette chose, je sens une poignée de porte. Je pose ma main dessus prêt à l'ouvrir. Si je ne regarde pas vers le haut tout devrait bien se passer. Je prends une profonde inspiration et entre d'un pas ferme.
A peine rentré, une lumière blanche m'aveugle. Le temps que mes yeux s'habituent la luminosité, j'inspecte l'intérieur entre les doigts de ma main. Contre toute attente, je reconnais rapidement ce bleu ciel, ces nuages, ces bâtiments.
Je suis bien à l'extérieur.
Je me retourne vers la porte qui venait de se refermer derrière moi... Mauvaise idée. Miroitante, je me vois, le visage horrifié, le corps égratigné de toutes parts, les vêtements déchirés et ensanglantés, puis en-dessous de moi. Le vide. Mon coeur fit un bond et je recule instinctivement. Mon pied droit rencontre le vide et me fait perdre l'équilibre. Je me rattrape comme je peux, maintenant de dos à la porte-fenêtre, les yeux fermés, les poings tellement serrés que mes ongles rentrent dans ma chair. Je ne peux bouger d'un centimètre et difficilement respirer. Incapable de faire le moindre mouvement, je sens tout à coup quelque chose me pousser dans le dos, la surface plane sur laquelle je m'appuyais disparue et je sentis un courant d'air passer sur mon corps balayant en arrière mes cheveux. Je me sentais léger, presque heureux, pourtant je n'ouvris pas les yeux.