Bien. Elle se sentait bien. Juste là, seule et en pleine méditation. Depuis plusieurs semaines, la Championne ne se sentait pas vraiment en état. Les regards noirs qu'elle recevait sans cesse, les chuchotements et les messes-basses sur son passage ainsi que la méfiance des gens à son égard l'épuisaient. Pourtant, elle n'avait strictement rien à se reprocher. Elle n'y était pour rien dans toute cette histoire de Pokéludisme. Alors depuis quelques temps, la jeune Kunoichi ne sortait plus vraiment de chez elle, ni de l'arène. Elle se faisait livrer ses plats et quelques livres ici, mais rien de plus. Cela devenait dur d'affronter tout ces regards. Et pourtant ... Elle est plutôt forte. Elle a un bon mental solide. Mais là ... C'est trop.

Alors qu'elle était occupé à faire s'évader son esprit et se détendre, elle entendit la porte de l'arène s'ouvrir. Elle ne réagit pas vraiment étant donné qu'elle attendait un livreur. Cependant ... Les pas se rapprochaient d'elle. Ce n'était pas les mêmes pas que d'habitudes. Un nouveau ? Peut-être bien.

Soudain, les pas se stoppèrent et une voix féminine s'éleva. Jeannine ouvrit un oeil et tourna légèrement sa tête vers la personne qui se trouvait là. Il s'agissait d'une jeune femme, plutôt petite et aux cheveux rouges accompagnés de plusieurs Pokémon.

- Oui c'est moi. C'est pour quoi ? Un match ? demanda t-elle simplement en se levant et en lui serrant la main d'une poignée sûre.

La Championne haussa un sourcil.

- Léo ? Le fameux inventeur des boites PC c'est ca ? fit-elle, surprise.

Apparemment, la jeune femme ne souhaitait pas faire un match contre elle. Dommage, cela faisait bien longtemps qu'elle n'en avait pas fait. Sa réputation était déjà faite avant, mais alors avec son père... Les gens la fuyaient. Ca se voyait. Ils préféraient se tourner vers ces champions itinérants plutôt que de l'affronter. Elle serra des dents : Ce n'était pas le moment. Non, Maïlys, puisque c'était son nom, venait pour une interview. Et évidemment, il fallait que ce soit au sujet de son père. Jeannine sentit la colère lui monter à la tête. Evidemment, les gens ne pensaient qu'à ça ! Elle porta les mains à sa ceinture, prête à envoyer un Pokémon s'occuper de la journaliste et la faire sortir sur-le-champ, mais... Ce qu'elle disait avait du sens. Si l'interview lui convenait, cela pouvait l'aider après tout. Elle récupérera peut-être du travail, et pas qu'en tant que championne, même si ça elle n'avait pas trop à le savoir...

- Je t'écoute. Que me propose-tu ? Commence à poser des questions. Mais attention, si certaines ne me plaisent pas, je me donne le droit de ne pas répondre.

Elle ferma les yeux brièvement, tentant de retrouver cet état de béatitude dans lequel elle se trouvait avant que la jeune femme aux cheveux rouges ne rentre. Elle était zen. La méditation lui faisait un bien fou.

- Les gens oublient. Que c'était un père de famille. Qu'il n'était pas que... que ce qu'il a fait. Ils oublient, que ça me fait de la peine. Ils ne pensent pas à ce que je ressens. A ce que la famille, le dojo ressent.

Jeannine était perdue dans ses souvenirs. Le jour où elle avait reçu son premier Pokémon poison : Un Abo. Un Pokémon vénimeux qui n'était pas le plus facile à gérer lorsqu'on était une enfant de cinq ans. Même son prénom - Jeannine, c'est à dire Ninja à l'envers, était une preuve de ce qu'elle était destinée à faire. Elle même était devenue une grande ninja, avec le temps. Et l'entraînement. Elle se rappelait de tout. De chaque sourire sur le visage de son père. Ses premiers exploits en tant que ninja. Ceux en tant que dresseuse. Lorsqu'elle avait réussi à le battre en combat Pokémon pour la première fois. Lorsqu'elle était arrivée pas loin de le battre en combat singulier, une fois.

Maïlys continua de poser des questions. Oui, elle était triste. Nostalgique. Evidemment.

- C'est mon père. Cela reste la personne qui m'a élevé. Il y avait sa soeur, certes, mais je n'avais pas de mère. Il était tout pour moi. Alors pardonnez moi si je ne crie pas à la vengeance. Je suis déçue mais je le connais. C'était un homme bien. Il devait avoir une raison.

Au fond d'elle, Jeannine l'espérait. Qu'il n'ai pas fait ça par attrait du pouvoir. Comment pouvait-il avoir besoin de plus de pouvoir, en plus ? Il était membre du conseil des 4. Maître de Dojo. Ninja spectaculaire et père dévoué. Il avait tout ce dont il rêvait... Alors oui, à ses yeux, c'était certain : On l'avait poussé à rejoindre les Rockets. Peut-être en faisant pression sur sa famille ?

Jeannine était furieuse. Enfin pas furieuse mais... Blessée. Enfin... C'était assez difficile à décrire. Ses sentiments étaient comme chamboulés. Evidemment qu'elle en voulait à son père. Si il y avait une bonne raison, il aurait pu lui en parler, elle aurait pu l'aider ! Elle s'en voulait aussi de ne s'être rendue compte de rien avant sa disparition. De ne pas avoir su l'aider. Mais elle aimait cet homme. C'était son père après tout. Celui qui l'avait élevé. Celui qui avait fait d'elle ce qu'elle était maintenant. Elle était une ninja.

C'est d'ailleurs pour cette raison, pour l'honneur, que la jeune femme ne put ignorer les excuses de Maïlys. Elle lui fit un petit sourire et s'inclina doucement.

- Ne vous inquiétez pas, je comprends. C'est juste difficile pour moi.

La journaliste lui tendit ses notes, que Jeannine récupéra et parcourut brièvement du regard. Elle n'avait rien changé, rien enjolivé, rien interprété. Ses propos étaient bruts. Il fallait espérer que, lorsque ces derniers deviendraient un article, cela resterait la même chose. Pour le coup, la jeune femme faisait vraiment un pari risqué de croire encore un journaliste. Mais c'était bien elle, ça. Penser le meilleur de tout le monde.

Mais elle n'en restait pas moins un ninja et l'honneur de sa famille et de son dojo avaient été bafoués. C'est pour cette raison que, lorsque la journaliste lui demanda si elle avait autre chose à ajouter, elle la regarda droit dans les yeux et dit, d'un ton glacial.

- Vous pouvez noter que si l'on apprend que quelqu'un, d'encore libre, a forcé mon père à faire tout ça... Il aura tout notre clan sur le dos. Et nous ne sommes pas des ennemis que vous souhaitez croiser. Parole d'honneur.